Elles ont choisi quelques thèmes typiquement baroques, pas forcement de l’art baroque, qui seraient toujours présents. D’où on constate qu’on est plongés dans un monde néo-baroque: un monde d’extrêmes, rempli de labyrinthes et de secrets « trop secrets », avec une grande place mondiale où se déroulent, comme dans un théâtre, les drames de la vie – auparavant observés par Dieu, maintenant observés par tous.
Chaque artiste a eu la tâche de créer des tableaux monochromatiques en nuances de rouge – rendant hommage à la profonde émotivité de ce style historique – avec une action dans les domaines baroques élus comme profondément présents dans nos jours. Dans cette exposition on trouve le labyrinthe, l’harmonie des contraires, la grande place et détails de l’esprit de Dieu.
Thème baroque par excellence, il remet à l’état d’esprit de la vision du monde comme un grand labyrinthe à être déchiffré, comme un lieu dangereux où l’être humain peut facilement se perdre dans les discontinuités magiques d'îles qui flottent par les océans – aujourd’hui virtuels –, êtres enchantés, sorcières, anges et monstres qui habitaient les fonds des mers.
Aujourd’hui, l’être humain se voit comme pleinement rationnel, connecté, « surveillé » et plongé dans des réseaux sociaux, mais le monde a beaucoup repris du labyrinthe baroque, du fantastique considéré comme réel et du chemin qui peut facilement conduire à un point sans sortie.
Dans la légende grecque, Thésée a tué Minotaure, mais il a été incapable de vaincre tout seul le labyrinthe. Ariadne lui a sauvé quand elle lui a donné un fil conducteur. Au moment où il est sorti victorieux, il emmène Ariane avec lui. Pourtant il l’abandonne dans une île où elle reste prisionière pour toujours. Là-bas habitait un dieu qui a tombé amoureux d’elle. Ils ont vécu ensemble jusqu’à la mort d’Ariane quand Dionysos – le dieu – a lancé aux ciels la couronne de son amoureuse, qui immédiatement est devenue une constellation.
Dans l’oeuvre Rosa parle de notre sentiment du monde comme labyrinthe imprenable, comme lieu de croyance et perdition. Mais aussi rempli d’espérance en interventions divines, en solutions magiques et inattendues. Dans la séquence de sphères on voit la représentation des mondes divers pour lesquels on passe dans la vie.
Le monde comme lieu mystérieux, comme labyrinthe infini à nous attirer. Ana Vasconcellos évoque l’idée de désert vert, qui est ce qui se passe dans de grandes plantations qui exploitent un seul type d'arbre. Pour l’artiste apparaît un paradoxe: en même temps, nous cherchons sécurité dans la répétition de ce qui est déjà connu par nous et nous nous perdons plutôt dans l’extrême indifférenciation.
Le fond de la mer et les débris d’un vaisseau qui s’est perdu. Un réseau déchiré pend encore. L’oeuvre de Bernadeth n’apporte seulement les labyrinthes du destin dans le grand « mer océan » d’eau, sang et sel, mais apporte aussi l’espoir en forme d’une lumière qui vient de la surface.
La vie est elle-même un grand labyrinthe où nos destins s’écoulent avec une incertitude et fragilité absolues.
Rencontres, divergences, distances, surprises: à chaque fois que nous arrivons à un coin sans sortie un nouveau destin, un nouveau labyrinthe s’ouvre comme un autre chemin à être parcouru.
C’est une coupure, une référence à l'immense religiosité qui a marqué le premier baroque, avec sa dévotion exacerbée à des extrêmes de folie – ou d’une autre sorte de raison. Il ne s’agit pas d’une expression religieuse spécifique, mais surtout d’êtres humains immergés dans une esthésie qui faisait du monde un lieu rempli de détails de l’esprit de Dieu où tout inclinait à être aperçu comme divin dans une logique où les certitudes de la foi conduisaient le destin de tous.
Rosa nous apporte une rose. Qui n’est pas une rose, n’est pas une rose, n’est pas une rose.
L’oeuvre fait référence à un extrait connu du poème Emily Sacré, de Gertrude Stein, qui là, pourtant, apparaît au contraire. Alors que la poétesse voulait enlever les couches qui recouvrent l’origine du signe, la peintre recouvre le signe avec la possibilité d'autres significations infinies.
Vous voyez la libellule? le poisson? vous reconnaissez la carambole? Ils sont presque effacés par l’énorme fleur sanglante. Bernadeth parle d’un monde qui s’éloigne de la nature, qui tragiquement s’artificialise.
La ballerine dans l'espace scénique. La vie comme théâtre. Les lourds rideaux rouges. Baroques.
Le monde fermé sur lui-même. L’enfant qui joue avec une fourmi comme s’il était prêt à reproduire incessamment la même forme, le même monde. Dans un coin, la sphère immobile.
Une fourmi, un détail de l’esprit de Dieu, envahit la scène attirent l'attention de la fille.
Là, Ana nous parle de la nécessité de se rendre compte des petits signes qui nous obligent à détourner de l’évident et à repenser notre monde.
Comme points de fuite dans l’obscurité du quotidien, la divinité révèle Elle-même quand elle nous donne le don de la vue. L’émanation de la lumière divine est ce qui nous rends compte des détails qui peuvent nous délivrer d’une vie perçue comme sans sortie ou sans sens. Pour Mari, les détails de l’esprit de Dieu ne sont que luminosité.
Au contraire de ce que l’on croit souvent, pendant la période baroque, les êtres humains transitaient beaucoup dans le monde et fréquentaient des espaces publiques à la recherche de nouvelles et d’informations: ils allaient à la place du commerce, aux homélies dans les églises et aux immenses fêtes d’où on trouve l’idée de que la vie est un grand théâtre et le monde est une grande place où la vie se réalise, tout sous le regard omniscient de Dieu.
Actuellement, cette grande place c’est l’Internet, les réseaux sociaux avec leur aspect d’omniscience presque absolue de tous et de tout, sensation que se révèle fausse quand on se dépare avec la « deep web » qui ressemble aux « secrets trop secrets » typiques d’une culture d’extrêmes où tout s’incline à l'exagération comme dans le premier baroque.
Bit (BInary digiT) est l’unité minimale de données qui les ordinateurs “comprennent” Ils peuvent être négatifs ou positifs (ce sont des impulsions électriques). Un ensemble de 8 bits crée un byte d’où viennent les mots Megabytes, Gigabytes, Terabytes...
Bit bit ressemble aussi le son de plusieurs appareils électroniques qui habitent (polluent ?) nos vies.
Pour Bernadeth Cavalcanti la grande place d’aujourd’hui, c’est le grand réseau communicationnel qui a transformé le monde – l’Internet – et qui est devenu le monde de plusieurs personnes.
L’oeuvre est une lecture libre d’une photo que l’artiste une certaine fois a vu sur Internet. Trois enfants, des petits moines, se laissent envoûter par des appareils lumineux (des portables ? des jeux ?) créant la sensation de rupture avec l’isolement millénaire auquel nous remet cette culture-là.
Connexes nous parle du monde comme un continu de différences qui a des interconnexions de plus en plus.
010101010000010101010001111 dans l’oeuvre est la représentation des impulses binaires électriques qui parle du langage des ordinateurs. On peut voir un chef d’orchestre qui régit la « chansons des sphères » dans cette grande place virtuelle – ce qui le monde est devenu.
Les bytes représentent toutes les lettres de tous les alphabets, tous les signes de ponctuation, accentuation et encore infinis caractères spéciaux. Et il y a encore beaucoup plus d’informations que nous ne pouvons pas voir.
Mais serait-il que l’ordinateur nous transforme réellement plus libres puis que nous sommes connectés et informés?
Le corps du chef d’orchestre n’est pas humain, mais composé par des innombrables sphères qui peuvent s’élargir infiniment. Ses énergiques mains ‘sphères ouvertes’, pourtant, régissent une chanson inaudible. C’est celle-ci la chanson que nous voulons ? Rosa nous souvient qu’il faut avoir des précautions par rapport à la domination imperceptible à laquelle l’Internet peut nous soumettre, orchestrant nos vies pendant que nous n’avons même pas conscience de que nous sommes conduits.
Pour l’artiste la grande place est un espace virtuel limité par la propre technologie qui l’a créé. La nature humaine a des rapports beaucoup plus mystérieux et qui transcendent tout. La manque, le rêve et les liaisons qui habitent les profondeurs de nous-mêmes restent indépendants et libres de n’importe quelle technologie.
C’est la perception très intense de que le rythme de la vie se faisait par la parfaite harmonie entre jour et nuit, vie et mort, périodes de fête avec d’autres de deuil, tout cela résultat d’une ordre immuable établie par la divinité et contre laquelle on ne pouvait rien faire. Alors, le destin a imposé aux êtres humains d’expérimenter intensément tout ce que la vie avait de meilleur et de pire: s’il y avait de la joie ou de la douleur, que tout était vécu à l’extrême.
Les immenses contradictions internes, loin de déstructurer le système, c’étaient exactement ce qui lui rendait l’équilibre.
Masculin et féminin, force spirituel et force physique, émotion et raison comme contraires harmoniques sous le regard de l’artiste. L’union n’existe pas sans la force réciproque qui établit et maintient les liens.
Artémis, déesse grecque fille de Zeus et de Leto, est soeur jumelle d’Apollon. Comme elle est née avant lui, elle a aidé sa mère à l’accouchement de son frère. Terrifiée des douleurs qu’elle avait témoigné, elle a demandé à son père de lui donner la grâce de rester célibataire. Zeus lui a donné l’arc et flèches en argent et l’a fait guerrière, dame des bois, de la nuit et de la lune.
Selon une de plusieurs légendes sur la déesse – qui est aussi connue comme la Dame des Bois –, elle aurait créé un garçon dont la mère mourut pendant l’accouchement et l’aurait éduqué pour, comme elle, être un guerrier. Ce serait l’origine de Saint George et la raison pour laquelle il a un rapport avec la nuit et la lune. Artémis a été vénérée aussi comme Séléné, déesse de la lune.
Dans l’oeuvre Séléné et le Guerrier, Rosa Calheiros exprime sa vision de l’harmonie des contraires dans la lutte du bien contre le mal. Comme éléments du tableau on aperçoit Saint George garçon, la lune, le cheval, la serpent-dragon et l’oeuf qui fait référence à la création et qui la dynamise, tout tournant sur un espace-ciel rouge pointillé d’étoiles.
L’harmonie des contraires apparaît comme un tapis de feuilles qui nous remet au fragile, au transitoire, au naturel auquel une pierre précieuse lapidée qui représente la dureté, la permanence et la culture présente dans l’art de lapider se superpose. La pierre est dure, pourtant elle est transparente et permet de voir les feuilles opaques que le vent a lancé sur la terre. Règnes végétal et minéral, nature et culture, transparence et opacité, vent et quiétude, harmoniquement contraires à l’avis de Bernadeth Cavalcanti.
Entropie c’est l’épuisement de l’énergie. Ce mot est employé d’habitude pour décrire le processus naturel et irréversible de l’usure de l’énergie des corps.
Dans cette oeuvre l’artiste fait référence à l’énergie pleine du début de la vie et de sa lente disparition au cours du temps, quelques fois brusquement raffinée par une cause inattendue.
Vie et mort: des contraires harmoniques qui pénètrent l’existence humaine.
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